NOTES DE CROISIERE (par Georges B.)

Sommaire

VENDREDI 9 JANVIER

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14:30 Arrivée au comptoir Roissy 1; enregistrement prévu à 15 00. Arrivée d'un groupe de vacanciers à destination de Buenos Ayres, Ushuaia et Iguaçu.

15:19 Arrivée de Patrick, le groupe s'assemble et nous faisons connaissance en intégrant les quatre membres du futur équipage de KEKILISTRION.

16:15 Enregistrement terminé mais avion retardé.

19:50 Décollage, initialement prévu à 18 50

21:33 Posés à MADRID

22:10 A bord d'un 747 pas tout jeune ( pas d'ailettes de bout d'ailes, pont supérieur court ).

01:10 (heure de Paris ) Repas somptueusement dégeulasse. Nous remplissons les formulaires d'immigration. Nous survolons les Canaries. Objectif: dormir, SALUT!

07:30 Réveil avec jambe gauche en capilotade.

08:37 (Paris) Ti' Dej, toujours aussi mauvais!

SAMEDI 10 JANVIER

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Le palais du gouverneur L'Estancia Estancia ... Encore !

10:00 (locale) Tous les bagages sont récupérés. Avec le transfert à Madrid ce n'était pas évident. Grâce à Raymond, qui hispanise brillamment, 2 taxis sont affrétés. Nous bourrons les coffres avec nos plus gros sacs, le reste sur nos genoux; En route pour l'aéroport domestique. Enregistrement pour USHUAIA et re-taxis. La bande des navigateurs débarque de deux taxis aux extrémités opposées d'une grande place au centre ville. Nous retrouver prend un certain temps. Ce n'est pas bien grave, nous manquons de sommeil et nous nous traînons lamentablement en attendant l'ouverture de L'ESTANCIA, restaurant sélectionné par Patrick dans le guide du routard... J'en profite pour acheter des timbres: ils sont chers - 4 pésos soit environ 8 francs.

12:00 Enfin, l'Estancia ouvre ces portes. Il y a des barbecues partout! Nous choisissons tous l'entrecôte à la sauce churasco - 400 g de viande extra + frites + salade : 14 pesos. Avec un vin argentin à la fois rustique et agréable, servi sans modération, nous en aurons pour 30 pésos, arrondis à 10 euros! A l'issue de ce repas pantagruélique, nous avons retrouvé un semblant de forme.

xx:xx Nous sommes dans un taxi mais au lieu de nous conduire à l'aéroport domestique, il prend la direction de l'aéroport international. Véro, dont l'esprit est moins embrumé que le mien, décèle l'erreur et une fois la barrière linguistique franchie "Aeroparque" et non" aéropuerto", le rodéo commence. Slalom entre les chicanes mobiles, feux rouges accrochés par la peau des ovaires et …panne de carburant! Nous changeons de taxi à la volée et nous arrivons "just in time" à" l'aéroparque."

15:50 décollage vers USHUAIA, puis repas: du Jean Paul Coffe, encore du Jean Paul Coffe, et toujours du Jean Paul Coffe! Le vin blanc est frisante, épouvantablement frisante!

19:10 atterrissage à USHUAIA à l'issue d'une approche agitée. La piste occupe toute l'extrémité d'un promontoire cerné par le canal du BEAGLE. Au nord, à l'ouest et au sud, des montagnes de 1500/2000 m sont proches, le vent est fort, d'où les turbulences;

22:30 Fin du repas à bord de VALHALLA. Superbe rôti de bœuf ;il y a du vin et du whisky, la vie est belle.

23:00 il fait encore jour, il y a des grains dans l'ouest. C'est l'heure du dodo.

DIMANCHE 11 JANVIER

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Rue principale d'Ushuaia Ushuaia au pied de la montagne vue de la Marina Premier bord en quittant Ushuaia Premiers lions de mer Balise d'entrée de Puerto Williams Coucher de soleil de Puerto Williams

09:00 Petit déjeuner, suivi d'une excellente douche au club nautique, excellente pour l'eau chaude mais dans la pénombre car il n'y a ni éclairage ni fenêtre. MTO: alternance de grains et de calmes.

11:00 Cartes postales écrites et envoyées en particulier à Françou et aux sept petits enfants.

12:00 Contrôle de sortie de l'Argentine. Nous nous préparons au départ en revêtant polaires, bottes et cirés.

13:00 Appareillage en douceur de Pascal qui extirpe les 23 mètres hors tout de Valhalla de son poste à quai en dépit de deux voisins à couple. Tout ce beau monde manœuvre à la perfection.

13:15 Grand-voile et misaine établies. Chacune pèse au minimum 80 kg et leur bôme autant! Sous la tutelle de Pascal, nous débutons un nouvel apprentissage de la manœuvre. La vitesse estimée est de 7 Kts, la gîte est faible et nous sommes au portant tribord amure, en route pour PUERTO WILLIAMS. notre base d'entrée au CHILI. C'est l'heure de la soupe accompagnée de délicieuses "empanadas". Foc et trinquette sont établis. C'est irréel, je suis obligé de me pincer pour croire que je suis là!

13:40 Pascal met en panne Valhalla, au moteur sous misaine et grand-voile, et manœuvre à toucher les cailloux. Ce sont les îles BRIDGES, dont l'une porte le phare des "navigateurs". Elles sont habitées par des otaries, des lions de mer, des cormorans, des oies bernaches etc.… Un peu plus loin nous observons des manchots. Ces îles sont capitonnées de guano à l'odeur forte; au vent des îles ça va, loin sous le vent l'odeur de poisson avarié est puissante. Nous quittons cette zone au plein vent arrière. Le vent apparent est très faible, nous marchons au moteur, GV + M bordées à plat, foc roulé et trinquette affalée. A la manière des anciens gabiers je vais faire une grande sieste dans la trinquette et je me réveille avec une barre rouge vif dessinée entre le haut et le bas du nez. Jacques qui me succède à ce poste de bulle, en ressort avec le visage écarlate. Bernadette nous avait prévenus: la couche d'ozone au-dessus de ces régions est percée et les UV sont donc très agressifs. Le calme persiste, mais où sont les quarantièmes rugissants?

16:40 Premier albatros; C'est le petit modèle dit "à sourcils noirs", et nous ne verrons pas le grand albatros qui ne quitte pas le grand large.

17:55 on vire la balise d'entrée de Puerto Williams. Les deux carcasses de mouton en provenance d'Argentine n'ayant pas de visa, sont dissimulées sous les vestes de quart. Les voiles sont ferlées et nous apprenons à maîtriser des bômes de 6m pesant prés de 200kg (80 kg pour la bôme, autant pour la voile quand elle est sèche). Ainsi est-il hors de question de se précipiter sur la grand-voile les rabans à la main tant que sa bôme n'a pas été fermement saisie. Accostage à couple d'un super-maramu, monté par deux couples de retraités en route pour un tour du monde. Nous sommes en 4eme position sur le MICALVI, le bar le plus au sud de la planète. En attendant les autorités (4 intervenants: police, marine, douane, etc.) et surtout le dîner, apéritif pour tout l'équipage.

23:00 nous en sommes au 2eme Piiiiiscooo….., Il est temps d'aller dormir.

PUERTO WILLIAMS: 54 56 105 S - 67 37 118 W

LUNDI 12 JANVIER

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Vue sur la Marina de Puerto Williams Tour de contrôle de l'aéroport en face de la Marina Il faut bien passer le temps ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

20:05 - Un bel arc-en-ciel en passant ... Jacques ne résiste pas !

08:45 La nuit a été, paraît-il, très agitée. Tous les hommes sur le pont, sauf moi qui dors comme un bienheureux (Piscot ?), deux des ballons de protection interposés entre le plastique du super-maramu et les 35 t de Valhalla explosent. Le zodiac est mis à l'eau pour établir une garde à tribord, de tout cela je n'ai rien vu ni entendu! Douche écossaise sur le Micalvi. Appareillage programmé pour 09 00 heures. Le vent d'ouest souffle à 25 / 35 kts, avec des pointes prévues à 40 kts. La capitainerie nous interdit la sortie, nous sommes prisonniers. Puerto Williams est avant tout une base navale chilienne qui, face à l'Argentine, contrôle la navigation dans les canaux au sud du BEAGLE et dans la partie chilienne du BEAGLE. Une cinquantaine de maisons, une église, quelques magasins et une piste accessible aux 737. Un ponton permet d'accueillir trois ou quatre patrouilleurs et "la Barcasse" un transport logistique militaire qui chaque semaine assure la navette avec PUNTA ARENAS. La zone plaisance est située dans une petite crique où le Micalvi fait office de ponton d'amarrage ( encore faut-il vérifier avant de tourner une quelconque amarre que la zone choisie est fixée à la carcasse par autre chose que la rouille). Le Micalvi a été construit en Allemagne en 1925 pour naviguer sur le Rhin. Il a ensuite été racheté par le Chili pour transporter une cargaison d'armes depuis la Grande Bretagne. Il a donc traversé l'Atlantique à 10 nœuds max. avant d'arpenter le Beagle comme support logistique. Réformé en 1976, il est désormais échoué à demi coulé, les cales sont inondées, au niveau du pont principal on trouve 2 douches d'un confort mitigé et surtout un bar ouvert toute la nuit. A l'étage supérieur, la passerelle de navigation est encore en état d'être visitée.

10:30 Toutes mes cartes postales sont prêtes à l'exception des timbres chiliens. Tentative de Pascal pour déverrouiller l'interdiction d'appareillage: réponse " NEGATIVO ". Il est clair que le satrape local fait la sieste et que le planton ne prendra aucune initiative! Changement de programme, en compagnie de l'équipage de KEKILISTRION, nous partons à l'assaut de la colline avec une de nos carcasses de mouton. Après un quart d'heure de marche, nous trouvons une clairière, le feu est allumé, le mouton est mis à griller et les patates sont glissées sous la cendre. Salade, fromage, vin rouge chilien ou argentin, le bonheur est dans la clairière. Après ces agapes, un petit somme ne me fera que du bien et me voici couché dans l'herbe, tête à l'ombre pieds au soleil. J'avais oublié la participation de Maya, une chienne d'origine indéterminée mais très affectueuse: je suis tout soudain réveillé par les caresses d'une langue chaude sur la figure!

17:00 Retour sur Valhalla, Pascal obtient de la capitainerie notre levée d'écrou. Trop tard pour les cartes postales qui ne seront envoyées qu'au retour. Les restes des 2 moutons sont crucifiés dans les haubans.

18:20 Pascal nous fait une superbe démonstration de manœuvre au moteur. Les 35 tonnes de Valhalla pivotent quasiment sur place, dans un chenal dont la largeur utile est inférieure à 30 mètres, avec donc fort peu de mou pour les 23 mètres hors tout de Valhalla. Tous les autres équipages sont sur le pont et le plus directement concerné, celui du super-maramu parait un peu angoissé. Tout se passe bien, Chapeau à l'ancien patron de chalutier!

18:40 Grand-voile et misaine sont envoyées à 2 ris chacune. Au portant ça bombe. Sitôt dans le Beagle foc et trinquette s'ajoutent au décor, la vitesse augmente mais faute de speedo il faut croire le GPS qui annonce 8/9 kts. Le tracé de la frontière argentino-chilienne, est défini par de nombreux alignements. Pour les respecter, tout en évitant le plein vent arrière, nous empannons 4 ou 5 fois de suite. Nouvelle leçon de manœuvre:

  • Venir plein vent arrière.
  • Larguer la retenue de misaine et se mettre hors de portée de la bôme ( hauteur de la bôme au dessus du pont : 1m, espace libre entre bôme et grand-mat : 20cm )
  • Border la misaine à plat, à la main s'il vous plait!
  • Border la grand-voile à plat
  • Empanner
  • Larguer l'écoute de grand-voile
  • Larguer l'écoute de misaine
  • Remettre la retenue de misaine
  • Passer foc et trinquette
  • Reprendre tout les réglages

    De nombreux îlots rétrécissent le passage et provoquent une alternance de calmes et d'effets venturi. Les plus petits accueillent lions de mer, otaries et oiseaux en tout genre. Les plus importants, un poste de veille chilien ou argentin. et comme leurs gardiens s'ennuient ceux-ci nous" gavent" de leurs demandes d'identification. Les éclairages sont extraordinaires et, à l'image de la MTO, changent en permanence. Pluie, grains, arc-en-ciel, vent passant de force à force 7, Valhalla encaisse tout sans broncher.

    19:45 Les ris de la misaine sont largués. En poste à la drisse je suis plutôt essoufflé! La température à l'abri est de 12/15°, mais avec le vent et la pluie, il fait plutôt frisquet.

    20:05 Je fais traîtreusement remarquer à Jacques, homme de barre en exercice, la splendeur d'un nouvel arc-en-ciel. Pas dupe, il ne me cède pas aussitôt la barre mais craque tout de même pour la photo. Je passe ensuite la barre à Michel et nous nous relaierons ainsi, y compris Pascal dans les passages très étroits, toute la soirée.

    20:14 nous zigzaguons au moteur dans des passages parfois étroits de moins de 100m. Pascal longe à moins de 10m des îlots plantés de hêtres où nichent des cormorans en pleine couvaison.

    20:50 1 ris partout, moteur tournant, nous sommes en vue d'un cargo échoué de longue date. Un patrouilleur argentin passe au large. Dans la foulée le moteur est coupé, quel silence, que c'est bon!

    21:15 Tout dessus sauf 1 ris dans la grand-voile. Au NE, sur l'Argentine, il y a un superbe cumulonimbus avec en vedette un petit nuage gris en forme de requin. La vue sur les montagnes coiffées de neige est extraordinaire; au NW le bleu intense du ciel est impressionnant.

    22:05 Il fait encore grand jour, le vent défaille, Pascal réanime le moteur, le foc est roulé, la trinquette à plat pont et les deux bômes sont bordées dans l'axe.

    22:15 bref passage à PUERTO TORO pour ressortir aussitôt: La place d'amarrage déplait à Pascal.

    22:50 Nous mouillons 2Nm plus loin à l'abri d'un petit cap au sud de l'île PICTON ( S 55 05 480 - W 67 03 147). Les voiles sont ferlées, le bateau paré. A table, descendre au carré est un vrai bonheur: Chaleur et odeur de saucisses grillées. Le repas complété par des pâtes se prolonge mais curieusement nous buvons peu.

    00:30 Le bateau dort! Plus tard dans la nuit, grosse pluie et fort vent; une drisse tape mais personne ne bouge.

  • MARDI 13 JANVIER

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    09:30 Réveil. Programme prévu: Ballade à terre, puis mouillage à l'île LENNOX, mais la MTO se dégrade Pascal décide: ballade, repas, retour à PUERTO TORO car notre mouillage est exposé aux vents du sud.

    11:30 En 2 fournées, l'équipage est parti à terre. Je reste à bord avec Bernadette, j'ai eu des crampes la nuit dernière et je traîne la jambe gauche. Bernadette prépare des pizzas pendant que je transcris mes notes L'équipe terrestre revient à bord vers midi, ramenant divers souvenirs, dont une côte de baleine (faute de place dans les sacs ils seront abandonnés à Ushuaia).

    15:00 Appareillage pour Puerto Toro. Les infos reçues de la marine chilienne et de Kékilistrion dit Popov indiquent: 35/40 Kts à Lennox et la même chose à Puerto Williams. Nous c'est pluie et calme plat. Nous sommes vraisemblablement dans le secteur chaud d'une perturbation très rapide. La température sous la "guitoune" est de 15°, mais le ciré complet est indispensable.

    16:30 Amarrés à Puerto Toro ( 55 04 915 S - 67 04 428 W), dernier poste de la Marine avant le HORN. Une dizaine de maisons de bois proprettes, une petite chapelle(SAN PIETRO PESCATORE) coquettement peinte en bleu vif et un seul" civil ". le ponton d'escale, lui, est en bien mauvais état. Coté Est il y a un voilier. Nous nous installons donc coté ouest avec une longue garde à terre. Peu après, le voilier s'en va.

    22:00 TOROMAR nous demande de dégager au profit d'un patrouilleur qui veut SA PLACE. Sous une pluie battante, nous faisons le tour du ponton à vitesse grand V et nous installons à l'est. Jacques fait de la varappe dans les pilotis pour trouver un point d'attache solide.

    22:30 Tout est terminé, les cirés sont sur leur cintre et nous dans le carré. A l'heure du coucher nous entendons le patrouilleur appareiller!

    MERCREDI 14 JANVIER

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    07:30 Réveil et ti'dej.

    08:48 Pascal prépare l'intérieur - table rangée vannes des toilettes avant fermées- Ca va gîter! Toute la nuit, il a plu comme vache qui pisse et ce matin le ciel est bleu-layette; le vent dans notre abri est SW 20 Kts, mais promet de forcer dehors.

    08:57 Le moteur chauffe mais la pompe d'admission des toilettes centrales (seules utilisables à la gîte) est en panne. En moins de 25 minutes Pascal, vrai " Lucky Luke " de la mécanique a changé la membrane

    09:30 Appareillage, en abandonnant Jacques sur le ponton où il varappait derechef pour larguer nos amarres. Un petit demi-tour permet de le récupérer! Grand-voile et misaine à 2 ris, trinquette et foc. Tout le monde est équipé et harnaché. La gîte est de l'ordre de 20° (pour l'instant). La mer est encore peu agitée. Les rafales sont sèches et ça … marche déjà fort. A la barre, je crois que Michel prend son pied!

    10:40 Le moteur tourne pour passer une zone abritée par des îlots, le foc est roulé. Devant tout est noir ( le ciel ) ou blanc ( la mer ). La trinquette descend à son tour.

    11:13 Nous passons par le travers d'une ancienne cabane phoquière ( 55 12 S- 67 04 W), complètement isolée mais encore en bon état. Route au 210°, la gîte est importante et on aperçoit au loin les Wollaston. Le cap HORN n'est plus très loin!

    Pose bouffe à l'abri en 55 17 004 S - 67 09 577 W ; re-moteur, je fais une courte sieste dans la trinquette

    mais à:

    15:24 la trinquette est envoyée et le foc est déroulé tandis que le moteur fait silence. Cap 160°pour une route au 183°, vitesse7.5/7.9 Kts, 30° de gîte. On approche de la baie de NASSAU mais on est encore abrité. A la température prés, çà ressemble à la Méditerranée avec un bon mistral. VALHALLA se comporte comme un gros 505 avec une barre à roue. Il se révèle très sensible à la barre et réagit, parfois avec vigueur, à la gîte et aux réglages de voiles. On est (relativement) peu mouillé en tout cas moins que sur un 30/40 pieds.

    16:38 Les vagues sont sérieuses sans plus mais les embruns s'invitent à bord.

    16:53 3éme ris dans grand-voile et misaine; demi -foc et trinquette.

    17:00 j'ai un peu froid, surtout aux mains car mes gants sont trempés. Je vais dans notre cabine et m'allonge au sol sous le vent et contre le radiateur. C'est un peu dur mais je m'endors aussitôt! A tord j'avais gardé bottes et salopette. Quand je me réveille le moteur tourne, nous sommes dans un goulet entre l'île Wollaston et l'île Freycinet. Nous approchons de l'île Herschel et du mouillage de BAHIA MARTIAL: une plage de sable blanc abritée des vagues et d'une partie du vent. La trinquette et le foc sont affalés ou roulé.

    17:30 nous sommes mouillés en 55 49 288 S - 67 17 667 W. misaine et trinquette sont ferlées en un temps record. Sous la tutelle de Pascal, nous avons l'impression d'être excellents!

    18:00 Vin chaud ou chocolat accompagnés de brioche fraîche. La vie est belle, merci J.H pour la boisson, merci Bernadette pour la brioche. Les paysages sont sauvages à souhait, parfois sinistres. Je me félicite d'être à bord de VALHALLA très reposant à l'intérieur car bien chauffé et bien insonorisé même si à l'avant la promiscuité est grande. En navigation le franc-bord important et la "guitoune" font que l'on est que raisonnablement mouillés. Véro a passé la journée sur le banc de quart avec un bon mal de mer. Jacques, après avoir "chauffé" sur les winchs, a payé son tribut à Neptune. Georges avait quelques retours de manivelle quand il est allé dormir. A l'issue du repas: tisane citronnée et additionnée de rhum - OK !

    JEUDI 15 JANVIER : JOURNEE DU HORN

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    09:25 moteur en route. La nuit a été très calme et le ti'dej fameux.

    09:32 Ancre à poste et grand-voile au 1er ris.

    10:44 La misaine monte suivie de la trinquette

    10:57 Le foc est déroulé. Moteur coupé, le vent est de secteur N force 4/5 entre les îles. KEKILISTRION est devant nous.

    10:39 Position: 55 48 942 S - 67 24 405 W. nous longeons l'île Freycinet à bâbord et l'île Wollaston à tribord. La mer est plate et le vent est nul. Re-moteur.

    10:51 ILE HORN en vue, droit devant, à 10 Nm du cap. Par le travers SW de l'île Herschel, nous percevons une houle très longue mais de faible amplitude, le ciel est uniformément gris et nous voguons dans le Pacifique!

    11:23 VALHALLA est mis en panne (55 51 313 S - 67 21 339 W) et le zodiac est mis à l'eau pour la pêche aux boules - pas aux moules! Je reste à bord avec Bernadette, Jorge et bien sûr Gaston.

    12:20 Retour du zodiac - Le bilan de la pêche est de 2 énormes ballons dont l'œil a cédé mais qui sont réparables, d'une centaine de mètres d'aussière, de plusieurs mètres de forte garcette, de quelques mètres de filet et de plusieurs boules rigides de 20 cm de diamètre. Et maintenant cap sur le HORN. Les voiles sont bordées dans l'axe et nous marchons au moteur. Quelle pitié !

    13:00 par le travers W, nous approchons du méridien du HORN. Je salue l'événement d'un coup de rouge. Nous allons passer entre 2 tables rocheuses assez importantes au nord et, au sud un récif à fleur d'eau où la mer déferle. Encore plus au sud on aperçoit un écueil plus important. Le vent est de 10/15 Kts et le moteur est stoppé.

    13:50 30 : 55 59 921 S - 67 19 023 W - CA Y EST, on va empanner sous LE HORN ! Nous avons le droit de cracher au vent. Voili, voilà huit nouveaux cap-horniers, le plus jeune a 3 ans et le plus vieux "beaucoup 68". On fait le baptême au champagne, le bouchon est tiré au vent: Au CAP HORN, A VALHALLA, A SON EQUIPAGE !!!

    14:20 nous apercevons KEKILISTRION au mouillage à l'est de l'île (ses équipiers pourront débarquer mais ne pourrons pas, faute de sentier, grimper jusqu'au phare). Deux autres voiliers ont déjà pris la route du retour. On se croirait place de la Concorde à six heures du soir!

    14:27 Croisé un joli cotre noir, bien sûr tout le monde se connaît - Salut Nicole crie Bernadette à sa copine.

    14:46 Foc roulé, trinquette sur le pont et misaine carguée.

    14:57 Mouillage au Nord du HORN dans la crique qui permet éventuellement de ravitailler le gardien.

    Position : 55 57 624 S - 67 13 470 W

    15:16 Les hommes ont pris terre sur l'ILE HORN. Le zodiac est reparti chercher les femmes et les petits enfants comme disait frère Jehan des Entommeures. Nous avons gravi les "mille marches de Mathausen" ou presque. Bien essoufflés, nous dominons VALHALLA qui fait très goélette baleinière. Sur l'île il n'y a pas un arbre et nous enfonçons dans la tourbe jusqu'aux chevilles. Au sommet, un monument, le phare, l'habitation du gardien et de sa famille- une cabane "phoquière" sanglée par des câbles ancrés dans le roc- et un grand panneau:

    ARMADA DE CHILE
    ALCADE DE MAR
    CABO DE HORNO
    Salut militaire du gardien, officier marinier de la Marine chilienne, et accueil charmant de sa jeune épouse. Avec leur petit gars de trois ans, ils sont là depuis un mois pour un séjour d'un an sans relève! La jeune femme a déjà éprouvé la peur de sa vie, par une nuit où le vent dépassait 90 Kts: elle avait si peur qu'elle a passé la nuit à genoux, priant la bonne mère pour que la baraque ne s'envole pas. Nous avons avec nous deux bouteilles de champ qui arroseront la remise de la médaille de Montauban amenée par Patrick. La maîtresse de maison offre un gâteau, puis tamponne nos passeports. En échange respectivement de 10 $ et 1 $, elle nous remet le diplôme du HORN et se charge de timbrer et expédier nos cartes postales. La salle de séjour/bureau est décorée de témoignages du passage de nombreux navires, entre autres la JEANNE (23. 01. 94) et la frégate GERMINAL, plus des paquebots "promène-couillons" (dont l'un le matin même). Les photos des Chefs d'Etat-Major des Armées et de la Marine chiliennes encadrent un portrait du découvreur du fameux cap. En résumé, passer le HORN et débarquer sur l'île… C'est d'un commun mais c'est …. GENIAL!

    18:56 L'équipage est à bord, le moteur tourne et l'ancre monte. Nous retournons à la Bahia Martial. Le vent est portant pour une force 5/6 et nous roulons à 8 Kts.

    19:10 Mouillés, très mouillés même par une pluie battante, un plafond de stratus très bas et une mer faiblarde mais nous avons bénéficié d'une super escorte de dauphins de Wollaston (bien sûr) avec sauts et figures libres.

    VENDREDI 16 JANVIER

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    06:37 2éme réveil. Dans la nuit le bout qui relie l'ancrage de la sous-barbe à la chaîne d'ancre a cassé net dans un vent de furie. Bruit d'enfer dans le poste quand la chaîne se retend et, par la suite quand cette dernière interfère avec la sous-barbe. Le baro est en chute libre (de 1008 à 982 en 24 H soit plus de 1mb/H). Le plafond est toujours très bas et sa seigneurie le VENT est bien là!

    08:27 Repêchage du bout cassé. Pascal utilise la sous-barbe pour descendre au ras de l'eau.

    08:40 GV à 3 ris, misaine à 2 ris. Moteur dans le goulet Freycinet-Wollaston, mais la gîte est déjà proche de 45°!

    09:23 Le goulet est franchi, trinquette et foc sont établis, le moteur est coupé. Alors çà c'est du sport! Au bon plein, 3 ris dans la misaine et en jouant sur foc et trinquette quand le vent monte à l'assaut de l'échelle Beaufort, on "roule à 8/9 Kts. Tout un chacun est harnaché, sanglé, attaché, calé, coincé, fesses serrées, et abdominaux tétanisés. Les douches froides sont gratuites et servies sans modération. Le plaisir est total et, à tour de rôle, chacun s'évertue à jouer les "essuie-glace" avec la barre. En cas de manque d'anticipation celle-ci peut en effet devenir très dure et la botte sous le vent manque d'adhérence alors que tout le poids du corps est nécessaire pour tenir le cap. La proue monte assez haut et retombe le plus souvent en souplesse. Trop vite à mon goût, je dois laisser la barre aux copains car mes cervicales n'apprécient pas de passer de la surveillance de la girouette à celle de la mer. Un grain sauvage s'approche par l'arrière, Nous laissons sur place le cotre noir et KEKILISTION. Tout disparaît dans le grain! Un fut de 200l, amarré en avant du roof arrière se détache, roule dans le passavant et fini par se caler contre le redan du gaillard. Pas de bobo, il n'a heurté personne! En l'absence d'anémomètre, le vent suivant "l'échelle de Pascal" est " certainement au-dessus de 40 Kts "! VALHALLA continue vaillamment sa route et accélère. L'intérieur est étrangement calme et même " cosy " par contraste avec l'eau qui court le long des hublots sous le vent et en dépit d'une référence de verticale sérieusement bousculée.

    12:35 Nous approchons de l'île Navarin et nous sommes partiellement abrités de la mer, mais pas du vent. Nous commençons à courir au largue pour embouquer le détroit de GOREE. La vitesse monte à 11/12 Kts. La bôme de grand-voile, qui domine pourtant le gaillard de prés de trois mètres, chalute (soit une gîte de plus de 50°)! Je prends soudain conscience de la différence entre embrun et paquet de mer. L'un de ces derniers me percute de plein fouet, me décolle du banc de veille et me projette sur Véro. Nos harnais tiennent bon.

    13:48 Nous sommes maintenant abrités du plus gros des forces; le vent est encore sérieux et nous marchons encore très bien. Profitant de ce calme relatif, plusieurs décapellent la" tenue de scaphandrier", pour un gros pipi. Bernadette toujours aussi performante, nous régale d'une soupe chaude.

    14:20 Nous entrons dans le Beagle. Vent debout au moteur, trinquette et foc sont rentrés.

    14:30 Puerto Toro est par le travers. Quelques embruns s'invitent encore et s'égarent même sur mon magnéto.

    16:17 Escorte de dauphins jusqu'à un mouillage d'attente en : 54 56 773 S - 67 14 725 W, où nous prenons un repas chaud.

    18:05 En route pour Puerto Williams. Pascal nous fait serpenter au ras des nombreux îlots.

    00:20 Arrivée en douceur, signée Pascal, à couple de la grosse goélette en bois scotchée au MICALVI et maintenant : soirée Piiiscooo! On est cap-hornier OUI ou NON ? Le bar du MICAlVI est plein, c'est vendredi soir et les marins de la base ont besoin de détente. Nous sommes bientôt rejoints par l'équipage de KEKILISTION. Ils en ont bien bavé, d'autant que le cockpit, par gros temps, ne peut accueillir que deux personnes.

    02:00 Au lit. La moitié du séjour est déjà bouffée.

    SAMEDI 17 JANVIER

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    10:00 Réveil difficile. Papotages sur MICALVI en attendant que l'une des deux douches se libère. Les passagers et non les équipiers d'un voilier argentin font la gueule: Une suissesse, un anglais et un australien avait retenu un passage sur la grosse goélette en bois par l'intermédiaire d'une agence d'Ushuaia. Faute d'assurance, en un seul coup d'œil on comprend pourquoi, l'agence leur a proposé d'embarquer sur un voilier argentin. Oui mais ils n'avaient, je crois, jamais mis les pieds sur un voilier. Ils croyaient être servis et bien ils le sont! Chiottes bouchés, nourriture peu variée sinon avariée et corvée de vaisselle. C'est un peu moins mal sur KEKILISTION: tous sont des marins expérimentés mais la bouffe de Popov manque de variété. Après une douche terriblement écossaise, le retour à bord est un vrai bonheur salué par une merveilleuse odeur de pain grillé. Bref, aussi bien avec VALHALLA que l'équipage permanent et avec mes collègues de passage, j'ai tiré le gros lot. Aller-retour au village et re-cartes postales qui ne seront postées qu'au retour car j'ai oublié mon carnet d'adresses à bord.

    12:40 Apéro sur le pont et à

    12:45 Le moteur tourne

    13:15 Ca roule ma poule! La grand-voile monte suivie de la misaine.

    13:50 Chacun son os de gigot et….Vive Cro-Magnon ! D'autant que le pain de Puerto Williams, façon kescha est du genre "rude". Après ces agapes Georges rejoint son poste favori dans la trinquette tandis que nous louvoyons au moteur, bômes bordées dans l'axe.

    16:00 La MTO est toujours aussi instable: 2/8 très bleus à l'Est mais 6/8 très noirs à l'Ouest - avec un gros grain tout noir qui va nous tomber très vite sur la figure. Les éclairages sont splendides et coté Argentine les montagnes sont couvertes de neige. Sur plusieurs sommets des nuages orographiques tourbillonnent à la verticale et ressemblent aux panaches de fumées couronnant les volcans en éruption. FANTASTIQUE.

    17:30 Avec Jacques nous démêlons la grande aussière récupérée à l'île Herschell nous brassons plusieurs fois sa centaine de mètres avant de la mettre à l'eau en remorque pour la dévriller. La remonter à bord même à deux demande du muscle.

    18:00 j'ai rejoint ma couchette favorite mais les virements de bord se succèdent trop rapidement - chaque fois il faut trouver un nouveau calage - écœuré je retourne à l'arrière.

    18:30 Pascal, à la barre, slalome dans des passages larges de moins de 50m: roches, kelp, îlots couverts de hêtres et un arrière plan toujours incroyable! Les photographes et cinéastes flinguent à tout va!

    18:55 Travers de PUERTO NAVARINO - station de la marine chilienne - au fond d'une petite anse toute ronde. Avec le soleil c'est très coquet, mais kesk'on doit s'y emmerder! Aussitôt après, la misaine dégringole à vitesse grand V, Patrick n'a pas gardé assez de tours sur le winch et il a tout lâché pour ne pas se brûler les doigts! Cest le début d'une série de cafouillages en tout genre.

    19:00 54 55 783 S - 68 29 401: Mouillage dans la charmante crique de CALLA EUGENIO. A l'avant ancre à tribord et aussière à bâbord tandis que l'arrière est tenu par deux aussières. Cafouillages suite :En aidant à la mise à l'eau de l'annexe, j'ai failli passer par dessus bord. Aussitôt après, nous avons collectivement oublié de frapper la première aussière sur sa bitte, elle a donc filé derrière le zodiac. Pascal n'a rien dit mais à petits coups de moteur il nous a rapproché à portée de gaffe. Il a simplement commenté " c'est de ma faute, je n'avais pas vérifié "! Enfin, au retour du zodiac, Patrick, en perte d'équilibre passe à moitié à l'eau fort heureusement empoigné au colback par Jacques! Encore une journée de navigation où, bien qu'un peu frisquette sur la fin, nous en avons pris plein les yeux et où nous avons pris plaisir à manœuvrer.

    19:30 Apéro, omelette, pâtes, vin chaud, dodo.

    Sur Valhalla, il y a beaucoup de solutions simples mais efficaces dans le genre Moitessier : Exemples le point de tire des écoutes de foc et de trinquette sont réglés en finesse par un système de bouts en spectra. Le verrouillage des panneaux et des hublots est réalisé par des boulons en inox dont les écrous ont reçu un anneau soudé de bonne taille. C'est efficace et pas cher! Dommage que les chiottes n'aient pas été aussi astucieusement traitées: les centrales sont ventilées par le poste et le parfume agréablement, celles de l'avant nécessitent un transit par la cabine de nos tourtereaux (Véro et Michel). Il est vrai que sur ce bateau nous distinguons quatre classes. La 1ère pour Jeanne- Hélène, avec couchette double pour elle et couchette simple pour les bagages. Néanmoins cette cabine est un lieu de passage imposé entre l'avant et l'arrière et commande l'accès des chiottes centrales! La classe Affaires pour Vero et Michel avec un lit double mais (cf. ci-dessus) une servitude de passage. La classe Touriste pour Patrick avec deux couchettes simples décalées mais qui sert de vestiaire aux " immigrants" du poste avant, surnommé "la soute aux Maliens".

    DIMANCHE 18 JANVIER

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    Réveil difficile dans la soute aux maliens. Petit déjeuner aussi bon et plantureux que de coutume. Nous nous préparons à partir pour les glaciers. La météo est belle avec un vent fort qui tombera en fin de journée. Dans l'ouest des grains menacent, mais nous n'aurons pas de pluie de la journée. Et toujours ce bleu spécial " hautes latitudes ".

    09:00 Les trois amarres ont été larguées, l'annexe est à poste et le moteur tourne. Nous sommes prêts à partir mais l'ancre ne remonte pas ! Elle finit par se montrer chargée de l'équivalent de son poids, soit 80 kg, en kelp. Michel est descendu dans la sous-barbe. Il pousse de la botte, il tranche à la machette et parvient à nous libérer.

    09:23 La grand-voile est à 2 ris suivie de la misaine à 3 ris. Droit devant un massif pyramidal, façon Cervin, est couvert de neige et de glace. Le vent souffle de l'ouest un bon force 8.

    10:15 Croisé par un gros promène-couillons, à l'aplomb de l'entée d'un golfe très profond, la BAIA YENDEGAIA.

    12:50 Nous rendons leur salut aux gardiens du phare de la pointe SONIA, alors que nous approchons de la jonction ou plutôt de la séparation du BEAGLE en deux bras : le BRAZO NOROESTE et le BRAZO SUROESTE.

    13:12 Nous approchons de notre premier glacier, le vent est calmé mais l'air est vif

    13:52 CALETTA SONIA 54 58 117 S - 69 02 578 W. Après y avoir posé l'étrave sur le sable le mouillage s'établit en 54 56 566 S-69 09 214 W. Les hêtres sont touffus, il y a des monceaux de coquillages sur la plage. On entend rugir les lions de mer sans les voir et mieux sans les sentir. L'équipage débarque pour aller au glacier. Je n'ai pas envie d'aller patauger dans les tourbières qui précédent la glace. Je reste donc à bord avec Bernadette et préfère terminer l'épissure entreprise sur l'aussière "herschélienne". Passe " la barcassa " le transport logistique de la marine chilienne qui chaque semaine fait la navette entre PUNTA ARENAS et PUERTO WILLIAMS. Son équipage nous salue en français par radio et Bernadette entame une bonne petite bavette ! Les glaciologues sont de retour. Après le repas- un joyeux gueuleton à base de pot au feu, nous nous lançons, sous l'œil narquois de Pascal, dans la pêche aux Centollas, énorme araignée de mer de prés de 1m de diamètre. Pour cela, un casier à légume est lesté de pierres, appâté d'un reste de gigot et emballé dans un bout de filet en provenance de l'île Herschel, est immergé à tribord.

    LUNDI 19 JANVIER

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    Pendant la nuit il y a eu plusieurs séries de coups de vent, accompagnées de bruit de chaîne dans la sous-barbe et de drisses claquant sur le mat .Ce matin, il pleut et ,surprise, la température est de 20°. Remontée du piège à centollas. Miracle, il y a un bébé centolla de 10cm de diamètre. Le papa et la maman on bouffé le gigot mais sont soit ressortis à temps soit ont simplement glissé leurs longues pattes à travers le filet sans y entrer ! Donc copie à revoir. Nous restons au mouillage pendant que Bernadette attend le passage des satellites Iridium pour confirmer nos vols retour.

    11:00 C'est parti. Très légère bruine, 8/8 de stratus et pas de vent et pour une fois nous partons à sec de toile. Etonnant !

    Le glacier est derrière nous, grande langue bleu pale à la base, bien blanc ver le sommet et à mi-pente un petit lac décore un repli de glace. Nous nous approchons des lions de mer entendus la veille. C'est toute une colonie de lionceaux et de vieux males grognons. L'un de ces derniers a " la corde au cou ", une aussière qui a entamé la chair profondément, il est condamné mais l'approcher pour le libérer serait trop dangereux Nous sommes maintenant en face du glacier ITALIA. Il tombe directement dans la mer et nous découvrons nos premiers glaçons à la dérive. Nous sommes désormais dans le domaine des WILLIWAWS : alors que le vent est nul, en quelques secondes les 35 tonnes de VALHALLA, pourtant à sec de toile, prennent un bon coup de gîte C'est l'heure du repas : bouillon du pot au feu enrichi de riz, quiche aux fruits de mer et aux lardons, un coup de rouge. Tout ça fait du bien au moral du gabier. Salut les copains la trinquette me tend les bras ! Nous arrivons maintenant à la baie des SENOQUIAS et nous longeons la rive ouest à quelques mètres. Elle est peuplée de cormorans. Les petits, veillés par les parents, sont encore au nid. De très beaux rapaces sont là tout disposés à leur faire un mauvais sort. Deux " canards vapeur ", effrayés par notre passage, dérapent sur la roche humide, tombent à l'eau et pédalent comme des malades. Nous embouquons le bras droit de ce fjord et constatons à nouveau que dans ce pays inhabité on n'est jamais seul : hier soir nous étions quatre bateaux au mouillage, dont le super-maramu rencontré à Puerto Williams. Aujourd'hui, c'est un superbe voilier chilien (4 étages de barres de flèche s'il vous plait) qui est mouillé dans un repli du bras droit ! Arrivés au fond du bras, Pascal tâtonne pour franchir la vieille moraine plantée de hêtres et trouve un passage à 150m de son extrémité Est (VALHALLA n'a pas 1.5 mètres d'eau sous la quille). Nous sommes dans un petit bassin rempli de glaçons que nous pêchons au seau et à la gaffe. Jorge se révèle le plus adroit à cet exercice délicat. Quant à moi, je prends en charge la bouteille encore intacte de ZUBROVKA et je la couche au fond du seau sur un lit de petits glaçons avant de l'enfouir sous des morceaux de plus en plus gros. Soudain un Williwaw pas piqué des hannetons nous tombe dessus par surprise. En quelques secondes le bassin se transforme en bouilloire. Pascal manœuvre avec son calme coutumier pour nous sortir de ce piège. Georges et Patrick, GPS en main, le guide vers la sortie. Nous passerons un peu plus à l'est qu'à l'entrée et trouverons 20m d'eau. Pascal me passe la barre, nous avons droit à un fort clapot et à des volées d'embruns. Nous arrivons au pied d'une cascade qui dégringole d'une falaise perdue dans le stratus avant de dévaler une pente à plus de 70°. Ce sera notre mouillage pour la nuit dans un calme retrouvé tout soudain. Décidément ces changements sont d'une brutalité très impressionnante. Ce soir nous allons fêter l'anniversaire de Michel mais, vilain contre temps, Jorge s'enfonce un gros hameçon rouillé dans l'index droit. La blessure est sérieuse et Patrick, assisté de Jacques et Bernadette, débride, nettoie, désinfecte et recoud. Dans son malheur, Jorge a de la chance mais il est bien secoué ! Place à la fête ! La table est décorée d'une composition de fleurs, de coquillage et de kelp préparée en secret par Bernadette, décidément très douée. Gâteau et vodka glacée couronnent la soirée.

    MARDI 20 JANVIER

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    09:40 Moteur

    10:10 C'est reparti avec un petit crachin qui succède aux grosses, grosses pluies de la nuit. Le plafond est bas et des lambeaux de nuage descendent le long des parois glaciaires et donc pratiquement verticales. De nombreux glaçons se sont décrochés pendant la nuit. Il y en a partout et certains sont déjà de taille respectable. Quand nous arrivons au pied des trois glaciers PIA 54 42 380 S - 69 47 390 W. La glace est bleu tendre avec par endroit des reflets vert pale. FAN-TAS- TI-QUE ! On ne sait où donner de l'œil et les photographes ou cinéastes de la caméra ! Nous avons la chance d'assister à un gros effondrement de glace avec une belle vague à la clé. Heureusement que le zodiac est rentré à temps de son expédition photo. Les chutes de glace, suivies d'un grondement sourd voir d'un coup de canon se multiplient. A bord le silence est respectueux….

    11:30 Avant le mouillage, Jacques, Patrick et même Jorge se font tirer le portrait debout sur un glaçon tabulaire d'environ 1.5m de coté, mais, prudents aucun ne va jusqu'à lâcher la rambarde de VALHALLA.

    13:45 Toujours les mêmes explorent le bas du glacier. C'est beau d'être jeune !

    16:20 Nous sommes de retour dans le Beagle NW. Jacques est toujours à la barre, cloué à poste. Nous ne portons que la moitié du foc pour nous appuyer un peu.

    17:08 Nous entrons dans la calle ROMANCHE et, pour une raison connue de lui seul Pascal échoue VALHALLA au fond d'une minuscule crique pour le dissimuler aux vues d'un patrouilleur chilien. Nous en profitons pour découvrir au fond une superbe centolla. Redépart pour le mouillage de la nuit au fond de ce que nous nommons " la calleta GASTON " 54 67 235 S - 69 28 178 W. cette crique est minuscule et peut à peine contenir VALHALLA. Les berges sont abruptes et nos deux voltigeurs, Patrick et surtout Jacques, s'en donnent à cœur joie pour fixer nos quatre amarres. Le calme est absolu. Apéro, ragoût préparé par Jorge, vodka glacée et préparatifs de pêche à la centolla. Ce soir Pascal participe. Le drapage du filet est fait avec le plus grand soin afin que l'appât ne soit accessible qu'après avoir pénétré dans la nasse. Toujours sur les conseils de Pascal, le filet est mouillé loin de la crique, au niveau d'un tombant.

    MERCREDI 21 JANVIER

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    07:00 Petit lever. Le ciel bleu est d'une pureté extraordinaire. L'eau ne montre pas une ride. L'annexe part à la recherche des centollas qui doivent se bousculer dans le filet : naïvement nous avons confiance dans le professionnalisme de l'ancien patron de chalutier ! Grosse déception le piège est vide.

    08:00 Il est temps pour les deux voltigeurs d'aller décrocher les amarres.

    08:37 Tout est largué, l'annexe est à poste. Appareillage pour PUERTO-PISCO-WILLIAMS ! 5 dauphins de bonne taille nous font une escorte triomphale. Selon Bernadette ce sont des dauphins de " PILS à menton noir " on les reconnaît à leur rostre très court et à leur nage : ils ne sortent qu'à peine la tête de l'eau.

    10:00 Nous entrons dans le Beagle .Grand-voile et misaine à 1 ris, foc et trinquette en place plus moteur.

    12:30 Les " commères " ont lancé leur appel : " comer, comer " et comme d'habitude nous sommes gâtés : galettes de sarrazin fourrées au jambon et au fromage bleu argentin, arrosé d'un coup de Carcassonne, un rouge chilien puissant et fruité. La fin du repas est saluée par un bon coup… de gîte.

    15:55 Pendant mon tour de barre je me suis offert un 10.5Kts stabilisé pendant 10 minutes. Nous essayons de remonter KEKILISTRION mais dans ces vents très fluctuants, qui varient de force 0 à 5, il marche plutôt mieux que nous. Tour à tour, Jacques et Michel ont parié, perdu et regagné leur part de gâteau. La régate se poursuit très au-delà du phare des navigateurs, où après que nous l'ayons enfin trématé, il nous repassera au vent qui plus est ! De dépit, comme des pêteux, nous le semons au moteur !

    19:30 Arrivée à Puerto-Pisco-Williams où nous nous mettons à couple d'un superbe Swan brésilien. Son équipage n'est pas particulièrement accueillant et leur zodiac est stratégiquement placé pour nous empêcher de l'accoster. Vigoureusement " hélés " ils se sont bien gardé de réagir et ne sont apparus sur le pont qu'au moment où notre voltigeur de pointe, Jacques encore lui, embarquait dans leur annexe pour libérer la place. Un peu plus tard, le proprio, un monsieur très distingué se montrera et échangera quelques amabilités de façade avec Pascal. La trinquette est dégréée, pliée, rangée dans le poste : Misère ça sent la fin ! La soirée se passe en compagnie de Jean Pierre, un solitaire qui vient de Nouvelle Calédonie à bord d'un Tinidad de chez Jeanneau. Il l'a soigneusement préparé avec guitoune et porte étanche, chauffage, coque renforcée par des porques en unidirectinnel-époxy, doublage interne du roof pour ne laisser que de petits hublots circulaires. Tout les panneaux sont assurés par de fortes sangles,bref un ensemble solide et cohérent pour passer les trois caps. Chapeau !

    Dernière soirée Pisco et au lit.

    JEUDI 22 JANVIER

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    02:00 Couchés

    06:00 Levés

    06:20 Départ avec Grand-voile et misaine à 1 ris, ½ foc et pas de trinquette puisqu'elle est dans le poste. Gite et clapot sont présents à l'appel du matin et ,exercice périlleux de ma part, je rends visite aux toilettes avant alors que nous passons à 3 ris partout !

    10:45 En vue du ponton d'USHUAIA, accosté de main de maître. C'est fini, c'était beau, les souvenirs resteront, et embelliront même la réalité.

    L'après-midi est consacré aux cadeaux et la soirée à un repas offert à nos hôtes.

    Le restaurant, Chez Manu, situé dans la montagne à 3/4 km d'USHUAIA, est plutôt luxueux. Son propriétaire, chef de cuisine,est français. Le repas est raffiné, les pétoncles aux herbes délicieuses et le filet de bœuf aux morilles du Chili se détaille à l fourchette. Au dessert, crêpes Suzette et champagne offert par la maison .Pour 150f pat tête, c'est royal.

    VENDREDI 23 JANVIER

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    08:00 C'est le départ. Photos de famille sur le pont et taxis pour l'aéroport. Le voyage de retour sera encore plus long et plus pénible que l'aller, notre avion pour Madrid devait décoller à 22 10, après une longue attente nous apprendrons qu'il est prévu pour 01 00. En fait nous décollerons à 01 45.

    A 13 00, heure de BUENOS AYRES, 19:00 à PARIS, nous sommes posés à MADRID,un peu inquiets pour la correspondance et pour nos bagages. Divine surprise, nous embarquons aussitôt dans un 737 qui nous attendait. Posés à 21 40 à ROISSY, deuxième surprise, les bagages sont là ! Il est temps de nous quitter. En 15 jours de vie commune dans une relative promiscuité il n'y a pas eu la moindre tension ou parole désagréable. De même avec VALHALLA et son équipage nous avons tiré le gros lot. Promis on se retrouvera pour naviguer ensembles. A LA ROCHELLE d'abord en avril ou mai et en rêvant de repartir sur VALHALLA pour l'Antarctique ou les KERGUELEN ou pour CIPANGO !